Très courte histoire écrite à partir de cette image

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. : Ombre dans la brume : .

  Je marchais à pas tranquilles dans cette forêt qui je connaissais si bien. Au crépuscule, les feuilles naissantes des arbres centenaires se paraient d’or bien qu’on ne soit qu’au printemps. Cette luminosité ambrée donnait un aspect magique à ce lieu végétal. Comme un bois enchanté, recelant mille légendes.

  Alors que quelque secondes plus tôt il n’y avait rien, quelque chose de blanchâtre s’étira devant mes yeux. Un épais brouillard m’entoura. L’obscurité s’installa, donnant une allure maléfique là ou quelques instants plus tôt, on ne comptait plus les merveilles. Les arbres devinrent des fantômes dont les bras squelettiques cherchaient à vous attraper. Dans un petit tourbillon, les feuilles mortes se dressèrent en une silhouette décharnée. Un esprit courroucé siffla dans les branchages.

  Dans la brume qui enveloppait les arbres d’un épais cocon grisâtre, je vis soudain une ombre se découper devant les rares rayons d’un soleil couchant.

  Grande, de forme humaine, l’Ombre posait sa main sur une imposante créature. De l’autre, elle tenait un bâton noueux terminé par un croisant de lune. Vêtu de ce qui ressemblait à une longue cape, elle se déplaçait à pas tranquille dans ma direction.

  Quelque chose s’illumina au creux de sa gorge. Une broche ou un pendentif, impossible à dire. Mais cette lumière doré me permis de distinguer son visage. Et l’Ombre n’était pas humaine.

  Les lèvres pleines de sa petite bouche s’étiraient en une esquisse de sourire. D’une couleur indéfinissable, oscillant entre l’anthracite et le vert sombre, ses yeux en amande étaient cerclés de noir, rendant plus saisissant encore ce regard sauvage qui semblait contenir le savoir de plusieurs vies. Ses fins sourcils noirs s’étiraient vers ses tempes, donnant un aspect mystérieux à son incroyable regard.

  Les traits fins et altiers de se magnifique visage ne masquaient pas l’aura de danger qui se dégageait de cet être.

  Comme pour mieux me regarder, l’Ombre inclina la tête, faisant glisser sur le côté sa longue chevelure aile-corbeau. Je retins mon souffle. Les mèches d’ébène venaient de dévoiler une oreille effilée se terminant en pointe.

  Pas humaine, non, mais belle. Belle malgré ce physique différent. Belle malgré l’énergie de sauvagerie contenue qui l’entourait. Belle, même si l’on devinait le piège mortel dans lequel on s’enfonçait en la regardant.

  Un piège.

  Un piège dangereux, impossible à éviter. Le regard immobilisé sur ce visage parfait, on en oubliait le reste.

  J’avisais sa longue cape retenue par ce qui ressemblait à une ramure de cerf, sa poitrine gainé de cuire et de métal, sa longue jupe retenue par une ceinture faite de cranes de rongeurs et de perles d’argents, sa faux à la lame courbe accrochant les derniers rayons du soleil semblait avoir été affuté il n’y a pas deux heures ; et enfin lui.

  La main droite de l’Ombre reposait sur une bête monstrueuse. Haute de plus d’un mètre au garrot, l’épaisse fourrure grisâtre rayée de noir qui recouvrait son corps la grossissait encore. Ses yeux brillaient d’un éclat vert dans la pénombre du sous bois.

  Le monstre retroussa ses babines et dévoila ses longs crocs dans un rictus menaçant. Tournées dans ma direction, ses oreilles suivaient chacun de mes mouvements.

  Griffes sorties, il lui faudrait moins d’une seconde pour me bondir dessus si l’envie lui prenait ou que sa maitresse lui en donnait l’ordre. Et je n’aurais aucune chance de lui échapper.

  Je tentais de garder mon calme alors que tous me disait de partir en courant, sans jamais ma retourner. De mettre le plus de distance possible entre moi et cette apparition de la Mort.

  Je n’en fis rien malgré mon cœur qui battait à la chamade. Au contraire, je me contraignis à l’immobilité. Avec un peu de chance, beaucoup de chance, l’Ombre considèrerait que je ne représentais pas un danger et me laisserait repartir.

  Alors que je m’étais juré de ne pas bouger, le tigre gronda sourdement. Ce son grave emplit d’une sauvagerie inquiétante me fis reculer, sans quitter des yeux les deux créatures.

  L’Ombre lâcha son monstre et tendit la main vers moi. A cet instant, je me pris les pieds dans une racine et tombai en arrière.

  Les derniers rayons de soleil  disparurent.

  Assis dans les feuilles mortes, je relevai vivement la tête, craignant que la dernière chose que je verrais soit les crocs du tigre.

  Mais il n’y avait plus personne. L’Ombre et sa créature avaient disparu dans la brume.

  Me relevant prudemment, j’allai inspecter l’endroit ou ils s’étaient tenus, pensant avoir rêvé. Les branches craquaient sous mes pas, les feuilles bruissaient, mais aucun autre bruit ne venait troubler le silence qui s’était abattu avec la disparition du soleil.

  Je ne vis rien. Pas la moindre trace.

  Secouant la tête et me demandant ce qui avait bien pu se passer, je me préparai à me rentrer lorsque mon regard accrocha un détail insolite.

  Caché derrière une pierre, un minuscule crane, de souris ou de mulot, me regardait de ses yeux vides, à côté d’une perle d’argent.

  Prudemment, je m’en emparai. La perle d’argent était chaude dans ma paume. Une chaleur que seul un être vivant pouvait dégager.