• Chapitre 3 : Souvenirs

    Nathanaël faisait les cents pas dans une pièce magnifiquement décoré, sa tenue contrastant furieusement avec la richesse ambiante. Chaussé de bottes en cuir souple qui semblaient avoir été usées sur tous les chemins du royaume, il foulait un tapis de soie rouge dont les motifs compliqués qui l’ornaient avaient été tissés avec des fils d’or. Son pantalon de toile grossière était taché de boue et de sang, tout comme sa tunique en cuir. Seule son épée qui pendait à sa ceinture prouvait qu’il n’était pas un quelconque rodeur. Le fourreau était en effet magnifiquement ouvragé. D’anciennes runes elfiques avaient été peintes sur tout le bois sombre d’une encre cuivré. Une flamme stylisée avait été décoré sur la garde et le pommeau était orné d’un énorme rubis. Cette arme valait son poids en or et il aurait pu, s’il l’avait vendu, s’offrir une centaine de tenues bien plus adaptées. Mais Nathanaël tenait à cette lame comme à la prunelle de ses yeux et ne s’en serait séparé pour rien au monde.

    En ce qui concernait sa tenue pour le moins… usée, il n’aurait eu qu’à claquer des doigts pour se retrouver vêtu des plus somptueux habits du royaume. Pourquoi ne le faisait-il pas ? Car toutes ces tuniques de soie, de mousse et de velours étaient terriblement inconfortables. Il préférait donc cent fois cette tenue de voyage qui avait déjà bien servie et qui était bien plus fonctionnelle qu’une de ces robes de la cour s’il se faisait attaquer.

    Cela ne cadrait pas vraiment avec son rang, mais même vêtue des loques d’un mendiant on aurait reconnu son statu. Son visage aux traits altiers éclairé par des yeux mordoré brillant d’intelligence quelque peu masqué par des cheveux brun cuivré mi-long valait toutes les tenues de satin… Oui, tout en lui clamait le roi qu’il était. Ou qu’il aurait du être…

    S’arrêtant brusquement, il abattit avec rage ses poings sur une table d’ambre finement sculptée. Il ne put s’empêcher de penser que celle qui était responsable de son malheur était sa propre sœur.

    -Maudite sois-tu Tatiana ! hurla-t-il tremblant de colère, les yeux brillant de haine. Mais je te retrouverais… Tu m’entends ? Ou que tu sois, je te retrouverais et je te tuerais ! Je donnerais ton âme aux démons et jamais tu m’entends, jamais te ne trouveras le repos !

    La porte, décorée d’or et de rubis, s’ouvrit à la volé. Un jeune page dont la toge vermeille semblait trop grande pour lui s’inclina presque jusqu’à terre avant de balbutier :

    -Mai… maître… Le seigneur Jahir désir vous voir… immédiatement. C’est à propos de l’espion que… vous avez envoyé à Oromois…

    Bégayait-il d’avoir trop couru ou de peur ? Nathanaël ne parvint pas à se décider. Peut être les deux. Il était toujours craint dans ce Royaume qu’il tentait pourtant d’élever le plus haut possible. Ses efforts serait-ils un jour récompensé ou est-ce que les aveux de Tatiana avaient à jamais gâchés son règne ?

    -Monseigneur ? osa interroger le jeune page d’une voix aiguë.

    Le roi se retourna brusquement. Ses yeux étaient toujours assombris par la fureur et le page recula prudemment.

    -J’arrive, cracha-t-il. Et j’espère que les nouvelles seront bonnes ou je ferais écarteler cet incapable d’espion !

    Le page, toujours courbé en deux, sortit à reculons de la pièce. Quelques minutes passèrent. Adossé contre un mur, Nathanaël tentait de reprendre son calme. Une fois qu’il eu à peu près repris le contrôle de lui-même, il sortit à son tour.

    Le page n’était nulle part. Sans doute avait-il détalé dès que la porte s’était refermée sur son visage terrifié…

    Sans se soucier des gens qui abandonnaient leurs taches et s’inclinaient précipitamment sur son passage, le jeune roi avançait à pas vifs dans le couloir décoré d’une fresque tissé par les elfes, dans le temps ou les deux pays entretenaient encore de bonnes relations, et narrait l’histoire de sa famille. Il marchait devant ses ancêtres qui avaient combattu nains et centaure pour agrandir le Royaume, il passa à côté des puissants mages qui avaient fait prospérer Trilliga. Des guerriers et des mages. Telle était sa ligné.

    Il s’arrêta quelques mètres avant l’escalier en colimaçon qui montait vers les chambres. La magnifique tapisserie s’arrêtait ici. Avant de rompre tout accord avec le Royaume Trilliga, les elfes lui avaient envoyé une autre partie de la fresque.

    Impassible, il contemplait la scène qui l’avait hanté depuis ce jour fatidique ou le peuple avait définitivement cessé de croire en lui.

    Tissé avec une grande minutie, le roi Arik II, son père, lui renvoie un regard d’une grande tristesse. Suivant les fils coloré, Nathanaël voit l’épée qui lui transperce le cœur.

    Son épée.

    La garde de la lame disparait dans une paume bien connu.

    La sienne.

    Le Nathanaël de la fresque jette un regard triomphant à son père agonisant.

    L’assassin se détourna sans qu’aucune émotion n’apparaisse sur ses traits fins. Il n’a que faire du passé. Ses projets sont tournés vers l’avenir. Un avenir encore flou, mais il ne doute pas parvenir à ses fin.

    La fin de sa sœur.


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